18-04-2024 - Hélène Fischer & Camille Salagnac

Echange sur l’évolution de la fonction Compliance dans le secteur financier.

Le cabinet de révision agréé HACA Partners, a été créé en 2016 et poursuit sa croissance, tout en conservant son positionnement de cabinet à taille humaine ainsi que ses valeurs. Le cabinet propose des services d’Audit Interne, d’Audit Externe, de Regulatory & Compliance, de Consulting, ainsi que de Risk Management. Dans le cadre de son développement, face à un marché en pleine croissance et avec une demande de plus en plus forte, HACA Partners vient de finaliser le recrutement de deux Compliance Officers de la place luxembourgeoise : Camille Salagnac et Hélène Fischer. Elles rejoignent aujourd’hui le département Regulatory & Compliance d’HACA Partners en tant que Senior Managers grâce à leurs expertises acquises durant leurs parcours professionnels respectifs.


Une qualité singulière d’expertise reflet d’un riche parcours professionnel.


Hélène Fischer a commencé dans le secteur des fonds d’investissement en tant que consultante dans le domaine du conseil règlementaire et la mise en conformité au sein d'un Big 4 au Luxembourg avant de poursuivre, pendant 7 ans, en tant que Compliance Officer d’une société de gestion Luxembourgeoise. Ses fonctions couvraient la mise en œuvre du plan de contrôle de la conformité, l'évaluation et la surveillance des risques LBC/FT, la mise à jour des procédures, le reporting réglementaire et la veille règlementaire.

Camille Salagnac, après une expérience en audit financier/règlementaire et conseil en conformité au sein d’ un autre Big 4 de la place, a poursuivi son parcours professionnel en tant que Chief Compliance Officer pour une banque au Luxembourg. Elle a acquis via ces expériences des compétences variées, notamment dans les domaines de la LBC/FT, MiFID, Abus de marché, Anti-corruption et Anti-fraude. Elle a effectué des missions de conseil règlementaire et de mise en conformité pour des banques, institutions de paiement, PSF et sociétés de gestion.


Echange sur les nouveaux enjeux liés à fonction Compliance dans le secteur financier. 


Vous qui avez effectué votre carrière à la fois dans des sociétés de services et dans l’industrie, respectivement dans des sociétés de gestion et des banques, comment avez-vous perçu l’évolution de la fonction Compliance ?


  • Hélène : Dans le secteur des fonds d’investissement, la fonction Compliance est de plus en plus critique et centrale, prenant un rôle de pivot entre la société de gestion, ses membres dirigeants, les fonds d’investissement sous gestion et les autorités de supervision. Ces dernières années, l’élargissement du périmètre de la fonction Compliance et de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LBC/FT) a eu pour corollaire un besoin inéluctable de maîtriser des notions aussi complexes que variées. Il apparait alors difficilement concevable de faire porter ces responsabilités sur une seule et même tête pour travailler efficacement et couvrir la fonction de manière exhaustive. Il faut désormais composer avec une équipe mêlant des expertises variées et répartir les responsabilités en fonction des thématiques LBC/FT, fiscalité et conformité. Le marché de l’emploi est d’ailleurs à ce sujet assez tendu.


  • Camille : En effet, le coût règlementaire devient de plus en plus important et difficile à supporter pour les sociétés, avec un impact critique sur leur rentabilité, spécifiquement pour les petits acteurs du marché. L’environnement règlementaire en constante évolution nécessite un investissement continu dans les moyens techniques, les ressources et la formation. Dans ce contexte, un des challenges de la fonction Compliance, souvent donc perçue en premier lieu comme un centre de coût, est de démontrer qu’elle s’inscrit avant tout dans une démarche de protection des intérêts de la société, et de conseil clé auprès de l’organe de gestion.


Camille, tu as travaillé comme Chief Compliance Officer d’une banque, quels sont pour toi les changements majeurs et les challenges de ces dernières années ?


  • Camille : Compte tenu de l’impact financier, et dans une perspective d’efficacité opérationnelle, ces dernières années ont été marquées par une hausse constante des projets d’externalisation, notamment pour la réalisation de contrôles auparavant pris en charge en interne par la première ligne de défense. Dans ce cadre, les nouvelles exigences en matière de sous-traitance (notamment la Circulaire CSSF 22/806), visant à une harmonisation du cadre européen en la matière, amènent un réel challenge pour les banques, les entreprises d’investissement, les institutions de paiement et les PSF. Les exigences concernant la sous-traitance informatique, incluant également dans leur champ d’application les sociétés de gestion et les fonds d’investissement, sont également un aspect clé que les institutions doivent intégrer, d’autant plus qu’elles sont amenées à prendre une place de plus en plus importante dans les années à venir. De façon générale, le challenge de la place financière face à la thématique de l’externalisation est de faire évoluer la gouvernance et les dispositifs de contrôle, afin de couvrir les risques de plus en plus prégnants liés à ces nouveaux business models. 

Un des autres changements majeurs de ces dernières années est l’intégration de la durabilité et la prise en compte du risque relatif à celle-ci dans la stratégie globale de l’entreprise. Concernant les banques, les challenges dans ce domaine sont nombreux, indépendamment de la taille des acteurs.

La Circulaire CSSF 21/773 permettait déjà d’appréhender les attentes du régulateur vis-à-vis des LSI (Less Significant Institutions), en termes de gouvernance et de Risk Management.

La publication de la Circulaire CSSF 22/821 à la fin de l’année 2022 (plus spécifiquement le nouvel AUP sur ce sujet et la refonte du Long Form Report avec une section dédiée), montre la volonté de la CSSF de collecter les premières données sur ce sujet afin d’évaluer l’alignement des acteurs avec les obligations de disclosure.

Enfin, et comme annoncé via les communiqués de la CSSF, les premières inspections on-site pour les banques, visant à s’assurer de l’implémentation des règles MiFID relatives à la durabilité, débuteront en 2024. Elles constitueront un pilier supplémentaire dans la supervision du régulateur sur cette thématique.


Pour toi Hélène, en ce qui concerne les fonds d’investissement, quelles sont les évolutions réglementaires les plus notables ?


  • Hélène : La CSSF met désormais un point d’honneur au développement de la finance durable dont la transition est assurée par la mise en place des facteurs ESG à savoir les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Ces critères doivent être inclus par les fonds d’investissement dans leur stratégie de gestion des risques ainsi que dans l’évaluation de leurs décisions d’investissement. Cette priorité en matière de finance durable répond à un objectif européen et international avec des supervisions et des contrôles sur ce sujet à ces échelles faisant de l’ESG une préoccupation centrale pour les fonds d’investissement.

Suite à la visite du GAFI en 2012 pour évaluer le Grand-Duché en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, nous avons vu une évolution notable des exigences réglementaires dans le secteur financier.

Dès lors, la LBC/FT est incontestablement devenue une thématique critique et inévitable pour l’industrie des fonds d’investissement. La CSSF a revu l’entièreté de sa règlementation, renforçant ainsi ses exigences en termes d’organisation, de contrôles, de documentation, de reporting mais également le cadre de sa supervision : on note en effet une recrudescence des enquêtes, qu’elles soient sous forme d’entretiens ou de visites, plus ou moins ciblées, et des amendes prononcées liées à un élargissement de la fenêtre d’actions sanctionnables. La visite du GAFI dans le cadre du 4ème cycle de son évaluation mutuelle de Luxembourg aura sans doute pour conséquences de renforcer le positionnement de la fonction Compliance dans l’échiquier financier et de réaffirmer la nécessité de s’entourer d’experts spécialisés dans ce domaine pour couvrir tous les aspects de la conformité.


A ce propos, concernant la LBC/FT, pour toi, Camille, quelle place a pris cette thématique dans la gestion de la conformité des banques ?


  • Camille : La LBC/FT restera l’enjeu règlementaire majeur pour l’ensemble du secteur financier, y compris pour les banques, compte tenu du risque financier et réputationnel. La tension du marché de l’emploi, face à des besoins immédiats toujours plus importants, rend le sujet encore plus critique. Le lancement récent d’un Master Juriste Conformité – Compliance Officer au Luxembourg (par le LLLC) permettra peut-être de pallier au moins partiellement le déficit de ressources formées sur cette thématique.

Par ailleurs, l’usage de nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle, et des investissements importants en termes de data quality, sont en plein développement, car ils permettent une montée en puissance opérationnelle sur les contrôles LBC/FT effectués tant par la première que par la seconde ligne de défense.


Dernière question, pourquoi vous êtes-vous réorientées vers une société de service ?


  • Hélène : Par définition, être consultant c’est accompagner une clientèle variée dans la compréhension des enjeux et des impacts liés à un changement quel qu’il soit, dans la réalisation de projets concrets plus ou moins ardus, le tout en s’appuyant sur un travail d’équipe fondamental; ce qui offre un cadre de travail particulièrement enrichissant intellectuellement et humainement. Le secteur du conseil réglementaire a cet avantage d’être porteur et stimulant, parce qu’il est en perpétuelle évolution.

Revenir dans le secteur du conseil réglementaire était synonyme d’un nouvel élan dans ma carrière J’avais envie de consolider les acquis de cette expérience dans la conformité au sein d’une société de gestion mais également de la mettre à profit pour traiter d’autres thématiques et intervenir dans de nouveaux domaines.


  • Camille : Le secteur du conseil est extrêmement dynamique et stimulant, dans le sens où l’on aborde chaque jour des thématiques différentes, des problématiques complexes et que l’on est constamment poussé en dehors de sa zone de confort.

C’est un nouveau challenge que je souhaitais donner à ma carrière, et le fait d’avoir évolué en tant que Chief Compliance Officer après mon expérience en Big 4 me permet aujourd’hui de réellement appréhender les enjeux et problématiques des clients.